dimanche 5 septembre 2010

La France creuse encore...

En s’inclinant vendredi contre la Biélorussie (0-1), la France n’a pas seulement perdu une rencontre, elle a aussi enterré ses dernières illusions de reconstruction rapide. La tâche de Laurent Blanc sera énorme. La faute à l’héritage Domenech, si souvent dénoncé dans ces colonnes ? Pas seulement. Explications.

France - Biélorussie, vendredi soir, stade de France. Il reste une poignée de minutes à jouer. Sorti prendre l’air sur le boulevard de Clichy, Hleb s’amuse et sert en retrait Kislyak qui colle une mine sous la barre d’un Lloris momifié. Les Biélorusses ont exécuté le contrat, les Bleus ne s’en relèveront pas. C’est certain maintenant : la patrie footballistique est tombée bien bas, et risque fort de ne pas remonter d'un coup. La faute à six ans de Domenech ? Oui, mais pas seulement. La France n’a pas fini de payer le triomphe de 1998. Souvenons-nous : les Bleus gagnent la Coupe du monde grâce à un jeu basé sur une défense forte (un bien incontournable en football, ne me faites pas dire ce que je ne dis pas), un milieu agressif (socle du fameux bloc-équipe) et une seule pointe.
Le football français, magnifique à regarder mais incapable de gagner autre chose que l’Euro à l’époque des deux Michel (Hidalgo et Platini), avait trouvé là sa nouvelle doxa. Un viatique tayloriste, basé sur l’automatisation des tâches et le gommage des aspérités individuelles. A l’époque, les doutes épars avaient été tués dans l'œuf par les discours apaisants, sur le thème du « seul le résultat compte, le vainqueur a toujours raison », empêchant de se rendre à l’évidence : la victoire de 1998 a ouvert la porte à un football purement besogneux, à moins de disposer d’un effectif de qualité technique optimale. A moins d’avoir Zizou, quoi !

Car la besogne est nécessaire, mais pas suffisante. Voir à ce sujet les résultats de l'OL sous la direction de Claude Puel, qui base tout sur la rigueur et rien sur le plaisir du jeu. La plupart des coaches de Ligue 1 ont le même type de discours tue l'amour, les joueurs finissent par se faire chier, il n’y a pas d’autre mot, et à aller sur le terrain comme ils vont à l'usine, passant plus de temps en salle de musculation que sur les pelouses.
Il suffit de comparer un match de notre Championnat avec un match de Bundesliga. Les joueurs, pris individuellement, n'y sont pas meilleurs, mais ils s'éclatent sur le terrain, ils peuvent exprimer leur talent. Quitte à laisser des espaces derrière. A part Lorient et un peu Sochaux et ses jeunes milieux hardis (Boudebouz, Marvin Martin, Anin), qui donne l'impression de s'éclater en L1 ?

Esthète si ce n’est romantique, Laurent Blanc va devoir rompre avec cette pensée unique, ce culte néfaste du « jeu sans ballon », s’il veut laisser sa marque. Le Cévenol a de bonnes intentions, il veut voir du jeu, une équipe qui va de l'avant. Compte tenu du poids de l’héritage Jacquet-DTN, il n'y arrivera pas en un jour, ni en un match.
A cette difficulté structurelle, s’ajoute une autre, plus conjoncturelle mais pas moins envahissante. Que voici : Blanc doit se défaire d’un paradoxe tenace. Alors qu’il aimerait ne parler que de terrain, l’état de crise du football français, et son statut de pompier de service, l’obligent à aborder aussi (voire surtout) l’extra-sportif. Ce que Bixente Lizarazu, Christophe Dugarry et les représentants de France 98 reprochaient de façon récurrente à Raymond Domenech !

Essayons maintenant de voir plus clair dans les intentions de Laurent Blanc. Pour ce faire, revenons à ses succès de jeune entraîneur avec les Girondins de Bordeaux. La conquête du titre national, en 2009, a notamment été basée sur deux idées force :

- Deux pointes en attaque : alors que la grande majorité des équipes de L1 ne jouent qu'à une pointe (qui décroche et transforme l'équipe en 4-6-0), que le foot français meurt d'ennui avec ces faux 4-3-3 qui sont de vrais 4-5-1 (soupir), Bordeaux a été titré avec la doublette Chamakh-Cavenaghi. On a perdu la culture de l'avant-centre pur, c'est un des maux du pays. Nos attaquants courent énormément, s'épuisent dans des tâches défensives et ne savent plus "tuer" face au but adverse. Hoarau est la caricature de ce type d'attaquant.
Mes espoirs pour les années à venir, c'est avant tout Kévin Gameiro et Nolan Roux, les deux seuls vrais avant-centres finisseurs d’avenir que la France ait. Le cas Loïc Rémy est encore différent : le joueur formé à l’OL est un footballeur fin et subtil, presque trop. Sa finition manque de variété, il abuse du plat du pied. S'il parvient à varier, il fera très mal. Mais seulement à cette condition. C’est dans ce contexte que Blanc doit arriver à faire émerger un duo complémentaire, un équivalent moderne du tandem Papin-Cantona. Cela peut prendre du temps...

- Des latéraux (contre-)attaquants : Voilà mon grand motif d’incompréhension quant aux choix de Laurent Blanc. Comment un coach comme lui, amateur de joueurs de ballon avant tout peut-il faire confiance à Bacary Sagna ? Ce joueur a été formé à l’AJ Auxerre, où la consigne était de ne pas monter et de laisser les clés du côté droit à l'ailier. Or, avec Blanc, il DOIT monter, et son incapacité à centrer et à conduire son ballon sont rédhibitoires. Mathieu Debuchy serait meilleur dans ce registre et pas pire défensivement.
Côté gauche, Clichy a loupé son match (Trémoulinas piaffe d'impatience à l'idée de lui piquer sa place). Ces carences ont forcé Mexès, qui a tout juste repris en Championnat d’Italie, et Rami à défendre tous seuls, la prestation de la charnière étant indissociable du naufrage des latéraux. A-t-on aujourd’hui un meilleur relanceur que Mexès ? Ce n’est pas évident. On le voit, le travail de Laurent Blanc s’annonce terriblement difficile. A fortiori si les Bleus ne rompent pas en Bosnie, mardi lors de la 2ème journée des qualifications de l'Euro 2012, la spirale de la défaite.

2 commentaires:

Trasheur a dit…

Globalement d'accord mais quelques détails.
Tu parles du Bordeaux a deux pointes, j'ai préféré le Bordeaux 4-2-3-1 avec Chamack en seule pointe.
sauf erreur c'est avec ce schéma qu'en 2006 on arrive en finale de CdM sous l'ère d'un certain Domenech...
je pense qu'il faut travailler dans ce sens mais ça n'a pas l'air d'être l'axe de travail de Blanc.
il est vrai que dans un tel schéma l'attaquant de pointe doit savoir tout faire, ce qu'un Chamack savait faire à Bordeaux.
Pas sûr qu'on ait cet attaquant actuellement, alors faute de mieux on en mets deux en espérant qu'un Hoarau se mute en Trezeguet de la grande époque et que Rémy suive les pas de son mentor Henry.

Mondo Foot a dit…

Je pense que Blanc est attaché au 4-4-2, car il fonctionne sur des "duos" : latéraux-ailiers, sentinelle-meneur, paire de relayeurs et 2 attaquants. Je ne pense pas qu'il revienne au 4-2-3-1 de façon durable. On n'a aucun attaquant au fort que Chamakh dos au but et bon de la tête. Blanc a du taf !