mercredi 29 septembre 2010

Didier m'a tuer

Maman, j’ai encore raté ma saison : pour l’Olympique de Marseille, le cru 2010-2011 de Ligue des Champions a des allures de mauvais remake. Mardi soir à Stamford Bridge, les champions de France ont subi la loi de Chelsea. Plutôt que d’entonner la complainte des pauvres clubs de L1 face aux nouveaux riches anglais, attaquons-nous au vrai responsable de ce fiasco : Didier Deschamps.

Quand quelque chose ne tourne pas rond à l’Olympique de Marseille, bon nombre d’observateurs ont tôt fait ces derniers temps de pointer du doigt le seul José Anigo. On constate même, comme dirait l’autre, une véritable « fellation » de commentaires en ce sens. Mais malgré tous les défauts du directeur sportif susnommé, adopter cette grille d’analyse monocausale relève de la facilité intellectuelle et exonère les autres responsables, à commencer par Didier Deschamps et les joueurs que le coach choisit d’aligner. Tenez, prenons par exemple le match d’entraînement disputé à Stamford Bridge, DD et ses hommes l’ont perdu tous seuls (2-0), comme des grands. Stratégie, mise en place tactique et choix du onze de départ : la Dèche n’a jamais porté aussi bien son surnom que par ce doux mardi d’automne londonien.
Examinons ces points un par un.

La stratégie générale d’abord. En écoutant la conférence d’avant-match, on crut que Didier Deschamps coachait une équipe de rugby et non le champion de France de football. Il n’y en avait que pour la « puissance physique », l’« engagement », les « qualités athlétiques » et si peu pour le « jeu », le « mouvement », la « créativité », tous ingrédients aussi nécessaires que les précédents pour espérer ramener un résultat de la pelouse des actuels leaders de Premier League. Le résultat ne se fit pas attendre sur le terrain : globalement « bien en place », pour parler comme un footballeur, les Marseillais furent incapables de réussir trois passes de suite et se firent surclasser techniquement par Chelsea.

Le schéma tactique adopté, ensuite. On eut droit à une parodie de ce que la Ligue 1 nous réserve de pire : un faux 4-3-3, complètement stérile avec ses trois avant-centres : deux qui sont condamnés à manger la craie et à multiplier les courses défensives le long de la ligne de touche et un troisième qui passe 90 minutes dans une grande solitude en pointe, facilitant considérablement la tâche de la défense adverse. Ce qui peut être suffisant contre Valenciennes ou Arles-Avignon ne l’est que rarement contre Chelsea. Et si Rémy peut à la rigueur jouer ailier droit – même s’il fit ses meilleurs matches dans l’axe quand il jouait à Nice –, Brandao ailier gauche, c’est juste pas possible. Cela rappelle quand Eric Gerets gâchait le plus rapide joueur du Championnat d’alors, à savoir Baky Koné, en l’utilisant sur un côté.

Le choix des hommes, enfin. Après la conquête du titre au printemps dernier, Didier Deschamps déclara qu’il souhaitait renforcer l’effectif avec des « joueurs d’expérience ». Soit. Dans ce contexte, le recrutement, contre 7 millions d’euros quand même, du bleu-bite espagnol Cesar Azpilicueta, en lieu et place du valeureux Laurent Bonnart (qu’il aurait fallu revaloriser), étonna dès le départ. Et encore plus mardi soir quand Deschamps fit débuter… Charles Kaboré, milieu défensif de formation, au poste de latéral droit. Quant à l’attaque, l’entraîneur demanda des joueurs au-dessus des capacités financières du club. L’OM, confronté au départ de Niang, finit ensuite par claquer près de 30 M€ (Gignac + Rémy), sans donner l’impression d’avoir réfléchi à la complémentarité de ses recrues. En des temps pas si éloignés, le club phocéen ne dépensait que 6 puis 5 millions pour Didier Drogba et Mamadou Niang, justement. La qualité est peut-être encore au rendez-vous (ne condamnons pas définitivement Gignac et Rémy), mais le rapport qualité-prix est à coup sûr absent. Tout comme l’efficacité, reproche qui s’applique à toute l’équipe. Résultat : 0 but, 0 point en deux matches pour ce pauvre OM. Même contre Zilina, ce sera loin d’être gagné…

dimanche 5 septembre 2010

La France creuse encore...

En s’inclinant vendredi contre la Biélorussie (0-1), la France n’a pas seulement perdu une rencontre, elle a aussi enterré ses dernières illusions de reconstruction rapide. La tâche de Laurent Blanc sera énorme. La faute à l’héritage Domenech, si souvent dénoncé dans ces colonnes ? Pas seulement. Explications.

France - Biélorussie, vendredi soir, stade de France. Il reste une poignée de minutes à jouer. Sorti prendre l’air sur le boulevard de Clichy, Hleb s’amuse et sert en retrait Kislyak qui colle une mine sous la barre d’un Lloris momifié. Les Biélorusses ont exécuté le contrat, les Bleus ne s’en relèveront pas. C’est certain maintenant : la patrie footballistique est tombée bien bas, et risque fort de ne pas remonter d'un coup. La faute à six ans de Domenech ? Oui, mais pas seulement. La France n’a pas fini de payer le triomphe de 1998. Souvenons-nous : les Bleus gagnent la Coupe du monde grâce à un jeu basé sur une défense forte (un bien incontournable en football, ne me faites pas dire ce que je ne dis pas), un milieu agressif (socle du fameux bloc-équipe) et une seule pointe.
Le football français, magnifique à regarder mais incapable de gagner autre chose que l’Euro à l’époque des deux Michel (Hidalgo et Platini), avait trouvé là sa nouvelle doxa. Un viatique tayloriste, basé sur l’automatisation des tâches et le gommage des aspérités individuelles. A l’époque, les doutes épars avaient été tués dans l'œuf par les discours apaisants, sur le thème du « seul le résultat compte, le vainqueur a toujours raison », empêchant de se rendre à l’évidence : la victoire de 1998 a ouvert la porte à un football purement besogneux, à moins de disposer d’un effectif de qualité technique optimale. A moins d’avoir Zizou, quoi !

Car la besogne est nécessaire, mais pas suffisante. Voir à ce sujet les résultats de l'OL sous la direction de Claude Puel, qui base tout sur la rigueur et rien sur le plaisir du jeu. La plupart des coaches de Ligue 1 ont le même type de discours tue l'amour, les joueurs finissent par se faire chier, il n’y a pas d’autre mot, et à aller sur le terrain comme ils vont à l'usine, passant plus de temps en salle de musculation que sur les pelouses.
Il suffit de comparer un match de notre Championnat avec un match de Bundesliga. Les joueurs, pris individuellement, n'y sont pas meilleurs, mais ils s'éclatent sur le terrain, ils peuvent exprimer leur talent. Quitte à laisser des espaces derrière. A part Lorient et un peu Sochaux et ses jeunes milieux hardis (Boudebouz, Marvin Martin, Anin), qui donne l'impression de s'éclater en L1 ?

Esthète si ce n’est romantique, Laurent Blanc va devoir rompre avec cette pensée unique, ce culte néfaste du « jeu sans ballon », s’il veut laisser sa marque. Le Cévenol a de bonnes intentions, il veut voir du jeu, une équipe qui va de l'avant. Compte tenu du poids de l’héritage Jacquet-DTN, il n'y arrivera pas en un jour, ni en un match.
A cette difficulté structurelle, s’ajoute une autre, plus conjoncturelle mais pas moins envahissante. Que voici : Blanc doit se défaire d’un paradoxe tenace. Alors qu’il aimerait ne parler que de terrain, l’état de crise du football français, et son statut de pompier de service, l’obligent à aborder aussi (voire surtout) l’extra-sportif. Ce que Bixente Lizarazu, Christophe Dugarry et les représentants de France 98 reprochaient de façon récurrente à Raymond Domenech !

Essayons maintenant de voir plus clair dans les intentions de Laurent Blanc. Pour ce faire, revenons à ses succès de jeune entraîneur avec les Girondins de Bordeaux. La conquête du titre national, en 2009, a notamment été basée sur deux idées force :

- Deux pointes en attaque : alors que la grande majorité des équipes de L1 ne jouent qu'à une pointe (qui décroche et transforme l'équipe en 4-6-0), que le foot français meurt d'ennui avec ces faux 4-3-3 qui sont de vrais 4-5-1 (soupir), Bordeaux a été titré avec la doublette Chamakh-Cavenaghi. On a perdu la culture de l'avant-centre pur, c'est un des maux du pays. Nos attaquants courent énormément, s'épuisent dans des tâches défensives et ne savent plus "tuer" face au but adverse. Hoarau est la caricature de ce type d'attaquant.
Mes espoirs pour les années à venir, c'est avant tout Kévin Gameiro et Nolan Roux, les deux seuls vrais avant-centres finisseurs d’avenir que la France ait. Le cas Loïc Rémy est encore différent : le joueur formé à l’OL est un footballeur fin et subtil, presque trop. Sa finition manque de variété, il abuse du plat du pied. S'il parvient à varier, il fera très mal. Mais seulement à cette condition. C’est dans ce contexte que Blanc doit arriver à faire émerger un duo complémentaire, un équivalent moderne du tandem Papin-Cantona. Cela peut prendre du temps...

- Des latéraux (contre-)attaquants : Voilà mon grand motif d’incompréhension quant aux choix de Laurent Blanc. Comment un coach comme lui, amateur de joueurs de ballon avant tout peut-il faire confiance à Bacary Sagna ? Ce joueur a été formé à l’AJ Auxerre, où la consigne était de ne pas monter et de laisser les clés du côté droit à l'ailier. Or, avec Blanc, il DOIT monter, et son incapacité à centrer et à conduire son ballon sont rédhibitoires. Mathieu Debuchy serait meilleur dans ce registre et pas pire défensivement.
Côté gauche, Clichy a loupé son match (Trémoulinas piaffe d'impatience à l'idée de lui piquer sa place). Ces carences ont forcé Mexès, qui a tout juste repris en Championnat d’Italie, et Rami à défendre tous seuls, la prestation de la charnière étant indissociable du naufrage des latéraux. A-t-on aujourd’hui un meilleur relanceur que Mexès ? Ce n’est pas évident. On le voit, le travail de Laurent Blanc s’annonce terriblement difficile. A fortiori si les Bleus ne rompent pas en Bosnie, mardi lors de la 2ème journée des qualifications de l'Euro 2012, la spirale de la défaite.