vendredi 29 avril 2011

La FFF veut laver plus blanc

Pour l’équipe de France, 2010 fut l’année de Knysna. 2011 sera-t-elle celle des quotas ethniques ? Si les informations publiées jeudi, à la veille d’une réunion du conseil fédéral de la FFF, par Mediapart s’avèrent exactes, c’est bien parti pour être le cas. Ou comment la FFF met encore à côté de la plaque…



De quoi s’agit-il ? De « quotas discriminatoires officieux » destinés à limiter à 30% la part des joueurs d’origine africaine, pour parler clairement des Noirs et des Arabes, dans les centres de formation du pays. Ces mesures auraient été approuvées par plusieurs hauts dirigeants de la FFF et par le sélectionneur Laurent Blanc. « Plusieurs dirigeants de la Direction technique nationale de la Fédération française de football, dont le sélectionneur des Bleus en personne, Laurent Blanc, ont approuvé dans le plus grand secret, début 2011, le principe de quotas discriminatoires officieux dans les centres de formation et les écoles de foot du pays. D'après des sources internes à la FFF, scandalisées par le procédé, des consignes ont été données en ce sens ces dernières semaines à différents responsables de centres de formation, notamment l'Institut national français (INF) à Clairefontaine », peut-on lire sur le site d’information par abonnement, qui ajoute que le fameux chiffre de 30% a été avancé par le DTN en personne, François Blaquart, lors d’une réunion fédérale.

Si la réaction « officielle » de la FFF se fera ce vendredi à l’issue du conseil fédéral (un point « Mediapart » a été ajouté au dernier moment à l’ordre du jour de la réunion), des voix « autorisées » ont déjà commenté le sujet, qui « fuite » à moins de deux mois d’importantes élections fédérales. Après avoir assuré que Laurent Blanc ne cautionnerait « jamais » un tel mode de sélection (par ailleurs difficilement compatible avec la légalité), le chargé de presse de l’EdF, Philippe Tournon, a reconnu que le « problème » des changements de nationalité sportive taraudait le Président, qui n’avait d’ailleurs pas manqué de le faire savoir auparavant.

« Un problème, abordé par Laurent Blanc, est celui des joueurs qui possèdent une double nationalité, qui passent trois ans en préformation en France, puis partent ensuite à l'étranger sous d'autres maillots, ce qui ne peut pas ne pas poser problème », a reconnu Philippe Tournon, ajoutant hypocritement que « cela peut concerner aussi des Sud-Américains », comme s’il se rendait compte du malaise créé par cette stigmatisation des joueurs d’origine africaine.

Fernand Duchaussoy, le président de la FFF, et Francis Smerecki, le sélectionneur des moins de 20 ans, ont usé du même argument, ce dernier précisant que « M. Blaquart avait abordé une fois le problème des grandes tailles. » En attendant d’en savoir plus sur la réalité et les contours de cette politique, on est en droit de se poser quelques questions, sur ses buts plus ou moins avoués.

L’échelon national est-il le plus approprié pour résoudre les dérives engendrées par l’assouplissement des règles de la double nationalité sportive ? Certainement pas. C’est devant la FIFA que plusieurs pays d’Afrique, Algérie en tête, ont obtenu la levée de la limite d’âge (jusqu’alors de 21 ans) pour changer de couleurs (sous réserve de ne pas avoir joué en « A » lors d’une rencontre officielle). C’est devant la FIFA qu’un changement dans l’autre sens pourra se faire.

Pour revenir à un football davantage basé sur la technique, faut-il particulièrement s’en prendre aux joueurs d’origine africaine ? Là encore, la réponse est non. Selon une conception stérotypée du football, le footballeur africain court vite, a de l’impact physique, mais l’habileté balle au pied n’est pas son fort. Certes, le primat accordé aux qualités athlétiques par la formation à la française a favorisé le recrutement de joueurs avant tout grands et costauds, y compris africains. Mais tous les footballeurs issus des diasporas ne correspondent pas à ce cliché. Hé oui, tous les joueurs noirs ne sont pas grands, rapides et rustres techniquement. Il y a des joueurs à la Jay Jay Okocha aussi. Aujourd'hui, beaucoup des meilleurs techniciens ne jouent pas en Ligue 1, mais par exemple en Bundesliga (Ya Konan à Hanovre 96, Pitroipa à Hambourg, Annan à Schalke 04, etc.), pour ne citer qu’un Championnats plus offensif et spectaculaire que le nôtre.

Problème : le football français privilégie depuis le triomphe d’Aimé Jacquet les qualités physiques sur tout le reste. D'où un goût immodéré de beaucoup de coaches français pour les coureurs à pied et une dévalorisation des joueurs techniquement au-dessus du lot (voir la manière dont un joueur comme Jaouad Zaïri – tiens, il est d’origine africaine – a été jeté par les clubs de L1 sur le thème « Ah, mais il ne participe pas assez au travail défensif, il prend trop de risques… »). Outre que ce bridage des artistes constitue l’une des principales raisons pour lesquelles on s'emmerde autant en regardant la Ligue 1, cela montre que la révolution technico-tactique du football français viendra avant tout d’un changement des mentalités. A se demander si des stages de nos éducateurs en Bundesliga ne seraient pas plus efficaces que n’importe quel quota !