jeudi 19 novembre 2009

Insupportables !

Il y a seize ans, L'Equipe avait titré "Inqualifiable" au lendemain de l'équipe de France par la Bulgarie, à l'ultime minute des qualifications du Mondial 1994. Cette fois, le vocable le plus approprié serait "insupportable", tant la bande à Domenech a transformé en tue-l'amour ce qui devrait être l'apothéose de la vie d'une sélection.



Regarder coup sur coup Algérie-Egypte et France-Irlande mercredi soir offrait le spectacle d’un incroyable contraste entre deux sélections, qui ont pour point commun de s’être qualifiées pour la Coupe du monde, toutes deux grâce à un défenseur monté aux avant-postes. D’un côté, l’Algérie d’Anthar Yahia : une équipe solidaire, cohérente dans ses principes comme son organisation et habitée par la passion d’un peuple. De l’autre, la France de William Gallas : onze joueurs suffisants (on n’ose employer le terme d’équipe), égarés dans un flou tactique total et objets du désamour de leur pays (pas un coup de klaxon à signaler dans le 13ème arrondissement).

La première a vaincu les injustices subies en Egypte pour aller chercher son ticket, à la régulière, sur une action limpide. La seconde n’a dû sa délivrance qu’à un but illicite, entaché de deux positions de hors jeu et d’une double main de son capitaine, Thierry Henry. Bien sûr, on va avoir droit aux discours sur la seule vérité qui tienne (celle du tableau d’affichage), et sur l’histoire, qui ne retiendra que l’issue de la rencontre. Mais quand même : que cette qualification laisse un sale goût dans la bouche ! A fortiori quand le coup de sifflet final permet à Raymond Domenech aux incompétents qui dirigent les Bleus (pâles) de parader sans la moindre retenue, comme si « leur » équipe avait été héroïque.

Au delà, comment le sport le plus populaire et le plus universel du monde peut-il continuer à refuser à ses arbitres l’assistance de la vidéo ? Outre l’injustice sportive qui résulte des erreurs régulières des hommes en noir, songeons également à leurs possibles conséquences sur l’intégrité physique des spectateurs. Tremblons d’effroi en imaginant que le match d’appui entre l’Algérie et l’Egypte se soit décidé sur un but semblable à celui inscrit par les Français, au vu et au su de tout le stade d'Omdurman. Un bain de sang épouvantable s’en serait immanquablement suivi. Faudra-t-il en arriver à un tel drame pour que les instances dirigeantes du football, Fifa et International Board en tête, fassent enfin rentrer l'arbitrage dans la modernité ?

lundi 16 novembre 2009

Algérie, Maradona : elle est belle, la justice sportive !


La coïncidence est trop belle pour ne pas être soulignée. Dimanche, la Fédération internationale de football (Fifa) a condamné Diego Maradona à deux mois de suspension ferme, pour les propos tenus le 15 octobre dernier. Ce jour-là, juste après la qualification de l’Albiceleste en Uruguay, le Pibe de Oro s’en était pris aux journalistes, leur demandant de « la lui sucer et la lui sucer encore », après avoir douté de ses capacités à amener le pays au Mondial.

Dans le même temps, l’instance internationale restait terrée dans un silence assourdissant alors que des incidents gravissimes entachaient le match Egypte-Algérie (2-0), décisif dans l’optique de la qualification au Mondial 2010 : caillassage du bus des Algériens à leur arrivée au Caire (voir le document Canal+ ci-dessous), irrégularités et initimidations du banc égyptien pendant le match et supporters des Fennecs pris à partie au moment de quitter le stade et ensuite… Mais pas un mot de la Fifa, pas une réaction non plus de la CAF (dont le sièges est situé au Caire, rappelons le)… Un match d’appui a lieu mercredi, à Khartoum, et l’on peut s’attendre au pire. La Fifa aura une part écrasante de responsabilité si cela dégénère – car il y aura forcément des déçus.



Pendant ce temps-là, en France, le même décalage dans les sanctions peut être observé, avec heureusement des conséquences plus anecdotiques : Louis Nicollin, président de Montpellier, se voit infliger deux mois de suspension par le Conseil national de l'éthique pour avoir traité Benoît Pedretti de « petite tarlouze », alors que Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais, n’est même pas convoqué après avoir été surpris dans le vestiaire des arbitres à la mi-temps de PSG-OL. Autres lieux, mêmes mœurs…

mardi 3 novembre 2009

Conseil national de l'Ethique : le foutage de gueule continue


Après la polémique Gourcuff-Kombouaré, voilà que le Conseil national de l'Ethique se saisit des propos de Louis Nicollin envers Benoît Pedretti. Ou comment une instance aux objectifs incertains est en train de se transformer en simple police de la parole, passant à côté d'une vraie mission de respect de l'éthique...

Louis Nicollin peut trembler : le Conseil national de l’Ethique, qui ne savait sans doute pas quoi faire de son lundi, a décidé de s’autosaisir de ses propos d’après-match. Au cas où vous auriez passé le week-end sur Mars, rappelons que le président de Montpellier avait traité le milieu et capitaine d’Auxerre, Benoît Pedretti, de « petite tarlouze », avant de promettre de « s’occuper » du cas de l’ex-international à l’occasion du match retour. Pas très classe (tout comme l’attitude truqueuse de Pedretti, digne d’un Fernando D’Amico ou d’un Jerko Leko, durant la rencontre), certes. Mais avec « Loulou » Nicollin, on a l’habitude de ces rodomontades gratinées. Et puis, les deux protagonistes de cette passe d’arme au micro de Canal+ s’étaient parlé et expliqué comme des grands garçons le lendemain, par téléphone et sans avocats. L’incident était clos ?

Hé bien non ! Car le CNE a donc décidé de fourrer son nez dans cette affaire, offrant là une nouvelle preuve de son inanité. Et ce n’est pas la première fois. Je m’explique. A sa création en 2002, cette instance avait un rôle purement consultatif et ne servait déjà pas à grand-chose, si ce n’est à permettre à la FFF de se donner bonne conscience à bon compte. Les choses se sont sensiblement gâtées à partir de 2005, quand la Fédé octroya un pouvoir disciplinaire au CNE, désormais susceptible de s’autosaisir de tous cas de « manquements à l'éthique commis par des licenciés à l'occasion de déclarations, attitudes ou comportements publics de nature à nuire à l'image du football. »

On le voit, ces attributions ne sont pas délimitées avec précision. Elles recèlent le risque de confondre une cause noble (le respect de la bonne image du sport) avec un flicage détestable, transformant les membres du CNE en petits gendarmes du politiquement correct. Comme si les atteintes à la bonne image du sport ne venaient que des déclarations d'avant et d'après-match... Il n’est d’ailleurs pas innocent que, de la réaction imagée de Louis Nicollin, les réactions se soient focalisées sur l’insulte, jusqu’à passer sous silence la seconde partie, celle qui comportait une menace à l’encontre du joueur. Cette dernière me semble bien davantage contraire à l’ « éthique » que la première, qu’en pensez-vous ? Et pourtant, on ne parle que du vocable prétendument homophobe lâchée par l’homme de la Paillade, révélateur, non ?

Mais qui sont au juste les membres du CNE ? Si leur président, Dominique Rocheteau, est une célébrité qu’il n’est pas utile de présenter, ses autres membres sont tous issus des différentes « familles » du football (FFF, LFP, amateurs). Et tout cela sans l’ombre d’un juriste ! De quoi décrédibiliser des décisions censées sanctionner d’éventuels manquements à l’éthique. On comprend mieux pourquoi les saisines du conseil sont à géométrie variable, que des phases d’activité intense (souvenons-nous de 2006 et de l’affaire de la CFA2 marseillaise disputant le « clasico » au Parc, dans laquelle le CNE fut désavoué après avoir infligé un point de pénalité aux deux équipes) succèdent à des périodes de léthargie.

La meilleure réponse à l'inanité du CNE a été récemment apportée par Christian Gourcuff : condamné à effectuer une « action pédagogique » pour avoir usé de sa libre parole à l’encontre de Claude Makelele, l’entraîneur de Lorient a refusé de se plier à la décision du conseil, préférant purger sa suspension, arguant à juste titre du fait qu’il n’avait pas attendu le CNE pour se comporter en éducateur. Que la police de la parole ouvre son dictionnaire et regarde le sens du mot éthique, elle verra qu’il désigne les principes guidant le comportement de chacun envers autrui, et non le simple contrôle du vocabulaire. Au hasard, la présence de dirigeants dans les vestiaires des arbitres ou les gestes violents sur le terrain, comme le tacle du Nancéen Lotiès à Boulogne samedi, mériteraient, davantage que quelques paroles trop hautes, un rappel à l'ordre en plus de la sanction disciplinaire. Mais c’est sans doute trop demander…