dimanche 1 septembre 2013

C'est le football qu'on enterre...

En tête du cortège, Christian Estrosi, le maire de Nice, déguisé en supporter, brandit un fumigène. A ses côtés Jean-Pierre Rivère, le président de l'OGC Nice. Hilares, les deux hommes, flanqués d'une brochette d'élus et de notables, fêtent la "der" du Stade du Ray. En fait, c'est une certaine idée du football, c'est un football populaire qu'on enterre.


Alors, donc, tout le monde ou presque y va de son texte en hommage au Stade du Ray. Mais pas moi. Ou du moins pas de la même manière. En ce jour de der dans notre vénérable stade, je suis davantage envahi par le dégoût que par l'envie de recueillement. Notre stade dominait la ville de sa distinction fatiguée par les ans. Il ne sera bientôt plus qu'un trou béant livré à la rapacité des promoteurs immobiliers. Tout cela parce que des décideurs ont fait ce qu'ils font le plus mal, surtout dans notre ville privée d'alternance politique : décider. Au mépris de notre nature méditerranéenne, ils ont tiré un trait sur une agora urbaine, ce stade où nous "montions", pour s'inscrire dans une modernité irréfléchie et bâtie à coup de chèques aux agences de com : une Arena au nom germanique dans une "éco-vallée" en dehors de la ville, où, fumisterie suprême du discours municipal, tout le monde sera obligé de se rendre en voiture. Un stade surdimensionné dans lequel la ferveur populaire sera diluée dans le consumérisme et les ultras isolés.

Dans une interview accordée à So Foot (n°94, mars 2012), le cinéaste Abel Ferrara trouvait les mots pour dire sa conception d'un stade. "J'aime les équipes de quartier, les villes qui ont un stade au coeur même de la cité, un stade sur lequel tu tombes en te baladant, tu vois, comme le Fenway Park de Boston. C'est ça, la place d'un stade dans une ville. Alors que les gros bordels multisports près de l'autoroute, sans déconner, c'est de la merde", écrivait l'auteur inoubliable de New York Deux Heures du Matin et Bad Lieutenant. "Rendez nous la lumière, rendez nous la beauté. Le monde était si beau, et nous l'avons gâché", chantait, comme en écho, Dominique A. La lumière du Ray s'éteindra cet après-midi. L'OGC Nice devient un club comme les autres, essayons, nous, de rester tels que nous sommes.